Si SAP achète maintenant Salesforce


Les monopoles sont toujours catastrophiques. Dans ce cas, le monopole de SAP n'est pas seulement ennuyeux pour les clients existants, il est aussi dangereux pour SAP.
Grâce au monopole de SAP sur les ERP, le groupe de logiciels s'est senti suffisamment puissant pour présenter un nouveau modèle de licence radical et désastreux pour "l'utilisation indirecte" - SAP est tombé dans son propre piège : le nouveau modèle montre clairement l'inégalité entre les applications tierces du propre groupe (SAP Application Access) et les applications d'autres fabricants (Indirect/Digital Access).
SAP le dit clairement dans son nouveau modèle : les interactions entre les applications SAP telles que CRM, Logistics, Ariba, Leonardo, SuccessFactors, Hybris, etc. et le Digital Core de SAP sont exemptes de licence (No additional ERP license needed), tandis que les mêmes interactions entre Salesforce et d'autres add-ons de partenaires SAP sont soumises à une "utilisation indirecte" et donc à une licence.
Le monopole de Walldorf a tracé ici une frontière arbitraire entre les composants logiciels qui communiquent avec le Digital Core (SAP ERP et S/4 Hana).
Pour comprendre l'incohérence et l'arbitraire, on peut tenter l'expérience de pensée suivante : Le client SAP existant exploite une architecture SoH (SAP Business Suite on Hana) complétée par un système CRM de Salesforce.
SoH et Salesforce communiquent via une pile NetWeaver (Process Integration). Naturellement, SAP demande des frais élevés pour cela, avec l'argument suivant : utilisation indirecte !
Le client existant a maintenant plusieurs possibilités d'échapper à ce super-GAU financier. Mais la voie la plus simple serait le rachat de Salesforce par SAP. Ainsi, Salesforce deviendrait un membre de la famille, comme Ariba, Concur et Hybris avant elle, et les clients existants de SAP n'auraient plus à payer "l'utilisation indirecte" pour l'interopérabilité entre Salesforce et le Digital Core de SAP (ERP/ECC 6.0 ou S/4 Hana).
L'"utilisation indirecte" ne serait donc pas une donnée technique ou une conclusion juridique, mais simplement l'arbitraire de SAP. En effet, l'expérience de pensée de Salesforce peut également être jouée dans le sens inverse :
SAP vend SuccessFactors et Hybris ! Tous les clients existants de SAP avec ERP/ECC 6.0 ainsi que S/4 et SuccessFactors et/ou Hybris deviendraient alors subitement soumis à une licence dans le sens de "l'utilisation indirecte" de SAP. C'est donc une question de point de vue et non une question d'utilisation, de fonction, de technique, d'infrastructure, etc.
Il est temps de déclarer que l'"utilisation indirecte" n'est qu'un mirage : Elle n'existe tout simplement pas ! L'"utilisation indirecte" est un fantasme de Walldorf. Ceux qui y croient, ceux qui les voient, ceux qui les acceptent, sont tombés dans le piège de SAP.
Dans la directive européenne 2009/24 sur les logiciels, on peut donc également lire
"La fonction des programmes informatiques est d'entrer en relation et d'opérer avec les autres composants d'un système informatique et avec les utilisateurs.
Pour ce faire, une connexion et une interaction logiques et, le cas échéant, physiques sont nécessaires pour garantir que le logiciel et l'utilisateur puissent fonctionner comme prévu.
Les parties du programme qui doivent permettre une telle connexion et interaction entre les éléments du logiciel et du matériel sont généralement connues sous le nom d'"interface".
Cette connexion et cette interaction fonctionnelles sont généralement connues sous le nom d'interopérabilité ; cette interopérabilité peut être définie comme la capacité à échanger des informations et à utiliser mutuellement les informations échangées".
Ceux qui croient encore à l'"utilisation indirecte" ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Comme le disait feu l'ancien chancelier Helmut Schmidt :
"Que ceux qui ont des visions aillent voir un médecin".
Dans la communauté SAP, on dira à l'avenir
"Que celui qui voit une utilisation indirecte - c'est-à-dire un mirage - aille voir un avocat qui lui expliquera la directive européenne sur les logiciels".